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« Nous sommes les messagers d’une époque ». Celle de ces morts anonymes qu’on ne voit que dans les chiffres des douanes, de ces légions de corps qui escaladent les barrières d’un système qui cherche à se préserver en élevant toujours plus haut sa répression. Ceux d’un monde qui laisse s’échouer les corps des migrants, quand il ne perce pas lui-même la peau du zodiac pour les regarder couler avant de passer la frontière maritime.
Ce message, que met en scène, dans le noble sens du terme, le film Les Messagers d’Hélène Crouzillat et Laetitia Tura, c’est celui de l’absence. Celle de l’anonymat et des morts, et des histoires qui viennent se heurter au Styx de la Méditerranée.
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Travaillant les bruits du lieu et résonnant d’un dense silence, c’est bizarrement en retirant la parole des lieux de l’action, en désincarnant le propos, qu’il trouve ses plus belles séquences, parfois au sein même des interviews comme lors de cette rencontre hallucinante où les mains d’un douanier de la Guardia détaillent calmement sur un petit carnet les différents dispositifs de sécurité et barrières repoussant tout migrant non autorisé : à l’image les masses se pressent entre les barrières de contrôle, les photos silencieuses montrent l’ampleur du dispositif, comme des traits infinis et absurdes dans le paysage.
C’est dans cette métonymie qu’il frappe juste, donnant l’impression de se balader, comme dans cette autre séquence, au milieu des tombes et des souvenirs de ceux à qui, au mieux, on donne une sépulture mais en oubliant de rechercher leurs noms.
Si le film n’échappe pas aux écueils d’un tel dispositif, successions de récits douloureux mais anonymes traçant plus une galaxie qu’un horizon, et où le spectateur prend le risque de les confondre voire pire de s’en détacher tant ils semblent se ressembler, son principal défaut est aussi sa force : le vrai scandale, c’est justement la similitude de ces histoires. Le véritable drame, c’est justement cette banalité de l’horreur anonyme et sa répétition.
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