Category: Documentaire

28
Avr

[CRITIQUE] Gunhild Westhagen Magnor – « Les Optimistes »

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/gunhild-westhagen-magnor-les-optimistes/20150428 ]

« On ne peut pas laisser nos ambitions nous emporter »

(une des joueuses, à l’idée de…jouer un vrai match)

 

Bikini-strings et p’tites pépées Vs. Lycra et p’tites mémés : toi qui entre ici, oublie tout ce que tu pensais savoir du volleyball.

A ma gauche, « Les optimistes », soit l’équipe norvégien un peu particulière de volley qui donne son nom au documentaire de Gunhild Westhagen Magnor, entièrement composée de fringantes mamies de 66 à 98 ans. Et à ma droite…eh bien, les optimistes aussi, vu qu’elles n’ont jamais joué un seul vrai match de leur existence, se contentant de se séparer en deux clans se renvoyant vaguement la balle. Tout s’emballe alors qu’elles découvrent que « Les canonniers », une équipe d’hommes, suédois qui plus est, serait prêts à les défier. Mais il reste tant de choses à faire : trouver une tenue, un logo, financer le voyage et, oh, imprimer les vraies règles du jeu sur internet.

LO_1_©Dimitri Koutsomytis

Archétype du feel good documentary, tendance je-mets-une-citation-sur-le-bonheur-au-générique, « Les Optimistes » est l’exemple parfait du travail bien fait : trop humble pour prêter le flanc au cynisme, trop béat pour dire autre chose que son pitch d’origine (« la vieillesse n’est pas un naufrage mais aussi de la joie »).

Le nez dans le filet de son sujet et se placant résolument hors de toute horizon filmique, il se laisse regarder avec plaisir et tendresse, oscillant entre un parcours convenu et démonstratif, quasi fictionnel et plutôt efficace (toute la préparation du match, point d’orgue du film), et quelques rares erreurs de goût, avec une mention spéciale à la partition musicale qui, quand elle ne vire pas au romantique tendre et guitare acoustique assène une fanfare mexicaine sur la joie, dans un improbable mariage entre le froid scandinave et une fête de la pinata en centre commercial.

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07
Avr

[CRITIQUE] Hélène Crouzillat et Laetitia Tura – « Les messagers »

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/helene-crouzillat-et-laetitia-tura-les-messagers/20150407 ]

« Nous sommes les messagers d’une époque ». Celle de ces morts anonymes qu’on ne voit que dans les chiffres des douanes, de ces légions de corps qui escaladent les barrières d’un système qui cherche à se préserver en élevant toujours plus haut sa répression. Ceux d’un monde qui laisse s’échouer les corps des migrants, quand il ne perce pas lui-même la peau du zodiac pour les regarder couler avant de passer la frontière maritime.

Ce message, que met en scène, dans le noble sens du terme, le film Les Messagers d’Hélène Crouzillat et Laetitia Tura, c’est celui de l’absence. Celle de l’anonymat et des morts, et des histoires qui viennent se heurter au Styx de la Méditerranée.

[…]

les messagers

Travaillant les bruits du lieu et résonnant d’un dense silence, c’est bizarrement en retirant la parole des lieux de l’action, en désincarnant le propos, qu’il trouve ses plus belles séquences, parfois au sein même des interviews comme lors de cette rencontre hallucinante où les mains d’un douanier de la Guardia détaillent calmement sur un petit carnet les différents dispositifs de sécurité et barrières repoussant tout migrant non autorisé : à l’image les masses se pressent entre les barrières de contrôle, les photos silencieuses montrent l’ampleur du dispositif, comme des traits infinis et absurdes dans le paysage.

C’est dans cette métonymie qu’il frappe juste, donnant l’impression de se balader, comme dans cette autre séquence, au milieu des tombes et des souvenirs de ceux à qui, au mieux, on donne une sépulture mais en oubliant de rechercher leurs noms.

Si le film n’échappe pas aux écueils d’un tel dispositif, successions de récits douloureux mais anonymes traçant plus une galaxie qu’un horizon, et où le spectateur prend le risque de les confondre voire pire de s’en détacher tant ils semblent se ressembler, son principal défaut est aussi sa force : le vrai scandale, c’est justement la similitude de ces histoires. Le véritable drame, c’est justement cette banalité de l’horreur anonyme et sa répétition.

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23
Mar

[CRITIQUE] Richard Copans – « Un amour (roman) »

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/richard-copans-un-amour-roman/20150323 ]

Chartres, 1939. Lucienne, vendeuse à la librairie Gallimard à Paris rencontre, lors d’une visite de la cathédrale, Simon, dit Sim, étudiant américain.

Sim, Sim Copans. La voix du jazz, mais aussi le père de Richard Copans, grand nom du documentaire français, créateur des Films d’ici, qui entreprend de nous conter leur histoire. Celle de leur amour, découvert dans la correspondance enflammée qu’ils s’échangeaient alors, et dont l’ouverture de la boite qui la protège constitue le point de départ du film. Celle d’ « un » amour, sur fond de guerre d’Espagne, d’engagement pour le communisme et de débarquement sur les côtes normandes, et dont le cinéaste a confié l’histoire à l’écrivain Marie Nimier, lui demandant d’en imaginer le récit qui tisse la toile de fond de cette quête entre histoire et Histoire.

Se passant le relais dans un jeu de piste entre voix-off et voix du récit (dit par Dominique Blanc), ils composent une polyphonie qui accompagne photographies et archives personnelles de l’époque, tandis que le cinéaste s’aventure sur les traces de l’intime.

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Car ce qui court, des témoignages au roman, du film d’aujourd’hui aux archives papier d’hier, c’est avant tout mettre en scène pour éprouver humblement les potentialités d’un récit. Et si un jeune couple se regarde dans la chambre de bonne qui fut celle des parents du cinéaste, guidé par sa voix, qu’ils n’ont que 15 ans et n’ont jamais connu la guerre ni même les Copans, peu importe : le film, faire film s’évanouit quand on arrête de fantasmer et de « mettre en scène ».

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25
Nov

[CRITIQUE]Göran Hugo Olsson – « Concerning Violence »

[L’intégralité de l’article ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/goran-hugo-olsson-concerning-violence/20141125 ]

La société colonisée n‘est pas seulement décrite comme une société sans valeurs. L’indigène est déclaré imperméable à l‘éthique. Absence de valeurs, mais aussi négation des valeurs. Les valeurs, en effet, sont irréversiblement empoisonnées et infectées dès lors qu‘on les met en contact avec le peuple colonisé. Les coutumes du colonisé, ses traditions, ses mythes, surtout ses mythes, sont la marque même de cette indigence.

Franz Fanon, Les damnés de la terre

Que la forme ne trompe pas : Concerning Violence, du suédois Göran Hugo Olsson n’est pas vraiment un documentaire. Du moins pas au sens informatif et télévisuel du terme, talking-heads et voix off inclus.Basé sur des images d’archives issues pour la plupart de fonds suédois, il s’aborde comme un essai autour d’un texte de Franz Fanon, écrivain français de Martinique travaillé par la question du racisme et du colonialisme, et dont le texte Les damnés de la terre (1961), source de ce film, fut préfacé à l’époque par Sartre.

concerningViolence

Film nécessaire sur nos péchés, Concerning Violence évoque une période toujours trouble et silencieuse du monde des dominants : celle de la fin du colonialisme, de la terre exsangue laissée à des peuples révoltés dont on continue aujourd’hui l’exploitation. Le silence des discours racistes, des hommes réduits à l’état d’objet. Film déflagration, intellectuel et pourtant tendu, la violence du titre est autant celle des oppresseurs et des oppressés en réponse, que celle du film tout entier, puissant objet de rage qui ne desserre jamais son étreinte sur le spectateur. Et si son titre complet est « 9 scènes de l’autodéfense anti-impérialiste », ce n’est pas pour rien : ce sont des tranches dans le vif plutôt qu’une somme auquel il tend.

[…]

Concerning Violence est un film-tract, dont les résonances sourdes parviennent comme autant de vagues heurter la situation mondialisée actuelle, rappelant les grandes heures du film politique ou du groupe Dziga Vertov, à une différence près. Car si le texte de Fanon est sa clef de voûte, l’ossature de l’analyse, il est aussi son fardeau : si la voix subjugue, force est de constater qu’à la différence d’autres films de montage comme La société du spectacle (que le réalisateur cite explicitement comme inspiration de son film dans le dossier de presse) ou même La Rage de Pasolini, Concerning Violence pêche par son absence assez forte de réelle dialectique entre le son et les images. Aveuglé par sa colère et étouffé par le texte de Fanon, il les réduit à une pure idée d’illustration, validation du son. C’est peut-être dans la matière de l’image qu’il aurait trouvé une potentielle porte de sortie à la répétition de son système, en creusant encore la dialectique de la violence.

Lire la suite ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/goran-hugo-olsson-concerning-violence/20141125