Category: Littérature

01
Avr

Roger Price – « Le Cerveau à sornettes »

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/livres/sorties-livres/roger-price-le-cerveau-a-sornettes/20150401 ]

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, sauf quand on a besoin d’avoir les mains libres. –Vieux dicton montagnard » (p.71)

Pour le lecteur moderne, perdu dans une époque de la performance et plus habitué à recevoir dans sa boite mail de multiples sollicitations saugrenues lui intimant de faire grossir son pénis dans le but de sauver de vieux canado-angolais cacochymes prêt à offrir leur fortune, il faut avouer qu’une brutale accroche comme celle qui court sur le présent ouvrage a de quoi décontenancer et demander vérification sur pièces : « Apprenez à ne rien faire ! ».

Préfacé par Georges Perec (ne nous mentons pas, après lecture l’espoir est assez maigre qu’elle soit intégré à sa Pléiade), voici donc Le cerveau à sornettes, publié en 1951 aux Etats-Unis et écrit par Roger Price, humoriste américain assez inconnu dans nos contrées, mais qui fut entre autre auteurs de sketchs pour Bob Hope et inventeur des Mad Libs, sorte de textes à trous que le lecteur aura charge de compléter à l’aveugle, créant de drôle de constructions non-sensiques, et qui semble-t-il continuent de connaitre un succès renouvelé dans le Nouveau Monde.

[…]

Si ce voyage léger en absurdie donne dans un premier temps son élan au livre, il finit aussi, comme souvent dans ce genre d’ouvrage, par user son lecteur à force d’être systématisé et de n’offrir d’autres horizons que de noyer le poisson d’une idée qui ne semble pas aller plus loin que la pochade.

D’autant que, concernant le contrat initial de l’éditeur (« Un des livres les plus fous et les plus drôles de la littérature américaine », rien de moins), le bât blesse. Car si on savait l’humour culturel, on le découvre aussi temporel.

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13
Fév

Jean Rolin – « Les Événements »

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/livres/litterature-francaise/jean-rolin-les-evenements/20150213

Ainsi donc 2015 devait-elle commencer dans le feu et les larmes, éclairant de curieux atours deux romans dont beaucoup trop d’encre avait déjà coulé : « Soumission », de Michel Houellebecq, et dont on a pu lire sur ce site la chronique par Julien Cassefières, et « Les Evénements », signé Jean Rolin, journal d’une France en pleine guerre civile. Deux visions d’un futur soit disant proche, deux opus à qui on colla un peu trop vite la douloureuse étiquette de Pythie. Quand on connait les amours de Rolin pour les marges et les mondes en déshérence (« La clôture », sur le Boulevard périphérique, « Terminal Frigo », autour du littoral industriel français), l’affiche semblait alléchante, ne serait-ce que pour voir comment il allait slalomer entre les écueils de l’immensité de son pitch

« En traversant l’Allier, mes poursuivants désormais largement distancés, j’observai que même à cette altitude les forsythias étaient en fleur, et que deux grands saules qui poussaient au bord de la rivière, en contrebas du pont, étaient déjà couverts de feuilles lancéolées, et d’un vert pâle pour ce qui était de leur couleur. Si j’avais eu loisir de m’attarder, sans doute aurais-je également remarqué que des bergeronnettes voletaient parmi les rochers à fleur d’eau, et que des hirondelles d’une variété assez rare se disposaient à construire leur nid sur la falaise, celle que j’avais observée avec appréhension depuis la rive opposée, et dont la masse grisâtre, décidément écrasante, se dressait maintenant justement au-dessus de la route. (p.110-111)

France, donc. Sans doute aujourd’hui, encore que. Lorsque débute le récit, la guerre civile a déjà eu lieu. Paris n’est que débris, et dans le cessez-le-feu plus ou moins respecté, le narrateur fonce à toute berzingue vers le Sud, direction le Centre, puis plus tard Marseille. Il y aura bien sûr une femme (mais sans plus), des combats (mais au loin), des factions djihadistes et souverainistes (il parait). Toi lecteur amateur de science-fiction, toi le féru d’intrépides intrigues, toi le sociologue à la recherche d’un biais fictionnel pour analyser une situation géopolitique, autant crever l’abcès : circulez, y’a rien à voir.

[…]

« Mais comment savoir ? Et d’ailleurs quelle importance ? »(p.18), dit le narrateur alors qu’il essaye depuis un hôtel Première Classe de se raconter l’un des rares moments d’horreur du livre, cadavres de curés comme des taches noires au milieu des champs de maïs. Face au sens qui se délite et qui menace de faire perdre la raison, une irréalité se trace, presque à rebours, par force de précision topographique : de Paris à Marseille, il nous emporte dans sa dérive, relevant les quelques cocasseries de son expédition très Monsieur-Hulot au cœur de la France démolie.

 

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27
Nov

Philipp Meyer – « Le fils »

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[Lire l’intégralité ici : http://www.culturopoing.com/livres/philipp-meyer-le-fils/20141127]

Les Américains…Il laissa son esprit vagabonder. Ils croyaient que personne n’avait le droit de leur prendre ce qu’eux-mêmes avaient volé. Mais c’est pareil pour tout le monde : chacun s’estimait le propriétaire légitime de ce qu’il avait pris à d’autres. Il ne valait pas mieux. Les Mexicains avaient volé la terre des Indiens, mais ça, il n’y pensait jamais : il ne pensait qu’aux Texans qui avaient volé la terre des Mexicains. Et les Indiens qui s’étaient fait voler leur terre par les Mexicains l’avaient eux-mêmes volée à d’autres Indiens.

Le fils, P. Meyer, p.663

 

Drôle de temps pour l’Amérique en cette rentrée littéraire 2014 : après la déconstruction/reconstruction minutieuse du Wild West Show par Eric Vuillard (Tristesse de la terre, éd. Actes Sud), voici Le fils, signé Philipp Meyer, finaliste du prix Pulitzer 2014 et découvert au Festival America de Vincennes, où l’excellence de ses prestations faisait doucement monter le bruissement autour de cet épais pavé de quelques 670 pages à l’ambition démesurée.

[…]

Une archéologie des holocaustes : s’il fait mine d’adopter par instants le ton des épopées américaines, Le fils raconte surtout la manière cynique qu’a l’histoire de bâtir sur des génocides successifs, violents ou technologiques et commerciaux : comment le pétrole remplace le bétail, les colons les mexicains et indiens, ces derniers étant eux-mêmes perpétuellement en guerre, etc. Plus que les personnages, c’est le souffle de l’histoire qui traverse le livre : comment en se civilisant, en désirant le confort, quelque chose a été massacré. Pas un péché originel, mais des péchés innombrables, de tous les côtés. Quelque chose de plus grand qu’eux, que les hommes se débattant dans l’Histoire, incapable de voir le tissu du temps, semblent incapable d’éviter.

 

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