THE BLOG

27
Nov

Philipp Meyer – « Le fils »

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[Lire l’intégralité ici : http://www.culturopoing.com/livres/philipp-meyer-le-fils/20141127]

Les Américains…Il laissa son esprit vagabonder. Ils croyaient que personne n’avait le droit de leur prendre ce qu’eux-mêmes avaient volé. Mais c’est pareil pour tout le monde : chacun s’estimait le propriétaire légitime de ce qu’il avait pris à d’autres. Il ne valait pas mieux. Les Mexicains avaient volé la terre des Indiens, mais ça, il n’y pensait jamais : il ne pensait qu’aux Texans qui avaient volé la terre des Mexicains. Et les Indiens qui s’étaient fait voler leur terre par les Mexicains l’avaient eux-mêmes volée à d’autres Indiens.

Le fils, P. Meyer, p.663

 

Drôle de temps pour l’Amérique en cette rentrée littéraire 2014 : après la déconstruction/reconstruction minutieuse du Wild West Show par Eric Vuillard (Tristesse de la terre, éd. Actes Sud), voici Le fils, signé Philipp Meyer, finaliste du prix Pulitzer 2014 et découvert au Festival America de Vincennes, où l’excellence de ses prestations faisait doucement monter le bruissement autour de cet épais pavé de quelques 670 pages à l’ambition démesurée.

[…]

Une archéologie des holocaustes : s’il fait mine d’adopter par instants le ton des épopées américaines, Le fils raconte surtout la manière cynique qu’a l’histoire de bâtir sur des génocides successifs, violents ou technologiques et commerciaux : comment le pétrole remplace le bétail, les colons les mexicains et indiens, ces derniers étant eux-mêmes perpétuellement en guerre, etc. Plus que les personnages, c’est le souffle de l’histoire qui traverse le livre : comment en se civilisant, en désirant le confort, quelque chose a été massacré. Pas un péché originel, mais des péchés innombrables, de tous les côtés. Quelque chose de plus grand qu’eux, que les hommes se débattant dans l’Histoire, incapable de voir le tissu du temps, semblent incapable d’éviter.

 

Lire la suite ici : http://www.culturopoing.com/livres/philipp-meyer-le-fils/20141127

25
Nov

[CRITIQUE]Göran Hugo Olsson – « Concerning Violence »

[L’intégralité de l’article ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/goran-hugo-olsson-concerning-violence/20141125 ]

La société colonisée n‘est pas seulement décrite comme une société sans valeurs. L’indigène est déclaré imperméable à l‘éthique. Absence de valeurs, mais aussi négation des valeurs. Les valeurs, en effet, sont irréversiblement empoisonnées et infectées dès lors qu‘on les met en contact avec le peuple colonisé. Les coutumes du colonisé, ses traditions, ses mythes, surtout ses mythes, sont la marque même de cette indigence.

Franz Fanon, Les damnés de la terre

Que la forme ne trompe pas : Concerning Violence, du suédois Göran Hugo Olsson n’est pas vraiment un documentaire. Du moins pas au sens informatif et télévisuel du terme, talking-heads et voix off inclus.Basé sur des images d’archives issues pour la plupart de fonds suédois, il s’aborde comme un essai autour d’un texte de Franz Fanon, écrivain français de Martinique travaillé par la question du racisme et du colonialisme, et dont le texte Les damnés de la terre (1961), source de ce film, fut préfacé à l’époque par Sartre.

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Film nécessaire sur nos péchés, Concerning Violence évoque une période toujours trouble et silencieuse du monde des dominants : celle de la fin du colonialisme, de la terre exsangue laissée à des peuples révoltés dont on continue aujourd’hui l’exploitation. Le silence des discours racistes, des hommes réduits à l’état d’objet. Film déflagration, intellectuel et pourtant tendu, la violence du titre est autant celle des oppresseurs et des oppressés en réponse, que celle du film tout entier, puissant objet de rage qui ne desserre jamais son étreinte sur le spectateur. Et si son titre complet est « 9 scènes de l’autodéfense anti-impérialiste », ce n’est pas pour rien : ce sont des tranches dans le vif plutôt qu’une somme auquel il tend.

[…]

Concerning Violence est un film-tract, dont les résonances sourdes parviennent comme autant de vagues heurter la situation mondialisée actuelle, rappelant les grandes heures du film politique ou du groupe Dziga Vertov, à une différence près. Car si le texte de Fanon est sa clef de voûte, l’ossature de l’analyse, il est aussi son fardeau : si la voix subjugue, force est de constater qu’à la différence d’autres films de montage comme La société du spectacle (que le réalisateur cite explicitement comme inspiration de son film dans le dossier de presse) ou même La Rage de Pasolini, Concerning Violence pêche par son absence assez forte de réelle dialectique entre le son et les images. Aveuglé par sa colère et étouffé par le texte de Fanon, il les réduit à une pure idée d’illustration, validation du son. C’est peut-être dans la matière de l’image qu’il aurait trouvé une potentielle porte de sortie à la répétition de son système, en creusant encore la dialectique de la violence.

Lire la suite ici : http://www.culturopoing.com/cinema/sorties-salles-cinema/goran-hugo-olsson-concerning-violence/20141125

 

16
Nov

[FESTIVAL] Arras Film Festival 2014 – Jour 3 (culturopoing.com)

[Lire l’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/evenements-cinema/arras-film-festival-competition-officielle-j-3/20141117 ]

Troisième et dernière journée officielle, la fatigue du social commence à se faire sentir. Journée égalité des sexes : 2 films de femmes, 2 films d’hommes. Tous luttant plus ou moins physiquement, la palme revenant sans contexte au Lycra, vainqueur par KO et par Carell.

The Lesson, de Kristina Grozeva et Petar Valchanov

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Femmes qui luttent et problème d’argent, acte 2. Cap en Bulgarie, avec Nadezdha, professeur d’anglais qui cherche dès les premières secondes du film l’élève qui a dérobé l’argent d’une autre pour lui donner une belle leçon. Lorsqu’elle rentre chez elle et apprend que la banque s’apprête à saisir son domicile, les multiples tours dont elle devra faire preuve pour réunir la somme nécessaire mettront à mal son incomparable droiture morale des premiers instants.

L’argent, encore et toujours. C’est pourtant paradoxalement la belle idée du premier tiers du film, traitant d’un problème complexe comme un pur problème matériel : les pièces, les DAB, les billets, les papiers. En réduisant le faisceau, il génère une mise en scène purement performative, où les atermoiements moraux s’éteignent sous l’idée de simplement réunir physiquement la somme, et dans la mise en place d’empêchements à cette progression.

C’est la belle idée de la deuxième scène de banque, où Nadezha, ayant honteusement emprunté 2 lev à un ami, se trouve obligée de réunir les 2,40 de frais bancaires dans les 5 minutes avant fermeture du guichet. Poussant la porte vers la place, elle court de groupes en groupes pour quelques centimes, finissant par relever ses manches pour se servir dans la fontaine municipale.

L’argent, partout et nul part, générateur d’actions et de mise en scène. Tant qu’il reste collé à cette problématique de surgissement et de disparition (porte monnaies vides et mains pleines), le film fonctionne à plein.

Mais voilà un film qui assume jusque dans son titre son aspect didactique et moraliste, jusqu’à la nausée. Ne résistant au misérabilisme et à sa classique progression du « toujours plus d’emmerdements » pour mettre à mal son héroïne, le film accumule les poncifs de l’usurier, de la prostitution et des banquiers : tous pourris.

Et quand la professeur finit par trouver le coupable du vol parmi les élèves et qu’elle ne le punit pas parce qu’elle-même a franchi la ligne jaune, le film touche même à un vrai problème éthique, mettant sur la même ligne une femme obligée de voler pour survire et sauver sa famille, et un gamin qui pique pour s’acheter des bonbons à la cafèt. Quitte à vouloir donner une leçon, autant le faire bien.

Lire la suite : http://www.culturopoing.com/cinema/evenements-cinema/arras-film-festival-competition-officielle-j-3/20141117

15
Nov

[FESTIVAL] Arras Film Festival 2014 – Jour 2 (culturopoing.com)

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/evenements-cinema/arras-film-festival-competition-officielle-j-2/20141116 ]

 

On continue notre report météorologique avec un ciel changeant, fait d’averses violentes et d’accalmies, à l’image de cette deuxième journée cyclothymique, villageoise et paysagère, communiste et pop, mais qui recèle tout de même un diamant brillant et brûlant au bord du Styx.

Monument to Michael Jackson, de Darko Lungulov

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Cap à l’est à nouveau, avec une comédie serbe qui nous plonge au cœur d’un petit village dont Marko, le barbier à la quarantaine bedonnante et molle, traine son ennui en regardant son mariage et son pays tomber en décrépitude. Lorsqu’il apprend que Michael Jackson relance une tournée mondiale, il décide de bâtir un monument en son honneur, afin de transformer le village en une attraction touristique à la renommée mondiale.

Sorte de grosse comédie de bourg comme l’apprécient les yougoslaves, percé de la bienveillance du peuple villageois et la truculence de la langue, le film, jamais désagréable, rejoint très vite la catégorie « film à pitch », ne sachant lui-même plus trop quoi faire une fois l’horizon initial du titre épuisé.

De son ambition baroque, il n’y aura rien : l’amusante statue dévoilée, avec un King of pop les pectoraux saillants et carrés tendance lumpenproletariat en moonwalk, dernier appui d’une métaphore pourtant déjà bien lourde, le scénario perd pied et étire d’inutiles scènes rebattues sur le héros reconquérant sa belle, étalant le parcours finalement classique de séries B américaines du looser attachant et d’un village découvrant le pouvoir de l’espoir et du rêve. Yuck.

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14
Nov

[FESTIVAL] Arras Film Festival 2014 – Jour 1 (culturopoing.com)

[L’intégralité de l’article par ici : http://www.culturopoing.com/cinema/evenements-cinema/arras-film-festival-competition-officielle-j-1/20141114 ]

C’est sous un soleil tout nordiste (celui du cœur qu’il n’y a pas dans le ciel, lalala) que démarre cette première journée de compétition. D’ailleurs, de grisaille, mais aussi de courses en baskets et de communisme, il en sera question dans cette première journée très existentialiste. Les hommes face à eux-mêmes, les hommes face au système, une lutte sans fin : si tu continues à courir en rond, je te cloue l’autre pied.

Bébé Tigre, de Cyprien Vial

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On commence en douceur avec un film off, dans la catégorie « Découvertes européennes », ici française. Bébé Tigre, où l’histoire de Many, jeune indien de 15 ans arrivé en France et qui, malgré une intégration réussie, se retrouve lié à son passé par le besoin sans cesse grandissant d’argent de ses parents au pays et l’ombre grandissante de son passeur.

Affublé du syndrôme de « la-caméra-qui-bouge-ca-fera-vérité » (coucou Claire Burger), le film s’empâte dans cette certaine tendance du cinéma « témoignage », et dont on questionne toujours la nécessité par cette simple phrase : dans ce cas, pourquoi pas un documentaire ?

Parcours adolescent n’évitant aucun des poncifs world-sociaux de ce genre de film (le passeur, père métaphorique à abattre pour renaitre, la France black-blanc-beur à la recherche d’un vivre ensemble sans pour autant renier le petit côté exotisme du quotidien, etc), trop écrit pour être stimulant, le film surprend toutefois par son amour sincère de ses acteurs (Harmandeep Palminder en tête, Stromae au regard triste du 93), tous non-professionnels et d’une justesse remarquable. S’il ne devait rester qu’une seule chose de Bébé Tigre, c’est cette tendresse qui engendre une forme de douceur dans la manière de les accompagner, et dont on espère qu’elle sera prochainement mise au service d’un scénario et d’une mise en scène à sa hauteur.

 

Lire la suite : http://www.culturopoing.com/cinema/evenements-cinema/arras-film-festival-competition-officielle-j-1/20141114